30 janv. 2011

Fondue


– Fernande?
– Oui, Momo?
– Tu peux t’asseoir deux secondes?
– C’est que, t’as vu le resto?
– Deux secondes, j’ai quelque chose à te demander.
– Vas-y?
– T’aurais quelque chose pour me nettoyer l’estomac. Chuis allé mangé de la fondue hier chez ma bru, pis…
– Pis, quoi, c’est bon, de la chinoise?
– Oui, mais elle a pas dit tout de suite c’était quoi la viande. J’ai pas voulu parler tout de suite. Faqu’arrivé à maison, j’ai même pas réussi à être malade. J’ai pris du rhum épicé, pis même un peu de bicarbonate avec du vinaigre, mais j’ai encore une boule. Comme une grosse poche dans le ventre qui veut pas partir.
– Bon yenne, Momo, qu’est-ce t’as mangé?
– J’ai presque honte. Ben pas honte. As-tu déjà mangé un héros de ton enfance?
– Tu ferais pas un peu de fièvre, toi?
– Non, je te jure… Pis c’est pas ça le pire. À matin, je vais faire un petit marché, pis califfe, je r’tombe dessus!
– Momo, j’ai du travail…
– Attends, Fernande, m’a te le montrer, j’ai pris une photo avec mon cell:



 (suspense, Momo a de la misère avec les pitons)


















Momo a mangé du Skippy

26 janv. 2011

Le gaz de chisse


– Ça s’peut pas, ils l’ont nommé boss des gaz de chisse.
– Bah, c’est pas à lui que l’eau de la champlure va pogner en feu, t’sé ben, y’a pas de danger!
– Pis l’autre, là, la lionne qui devient la boss de la construction, ça s’peut tu nommer une…
– Eye! Maudit macho! T’allais dire «une femme».
– Ben t’as déjà vu… Ben, moé, toutes les femmes qui pognent un marteau, il le pogne par le milieu.
– Pis après?
– Ça enlève de la force. Faut le pogner par le boutte. Anyway, moé, la Lionne, j’en connais rien qu’une, pis elle, elle avait de la pogne!
– Tu vas voir, a va te les trimer les gros bras. Pis j’ai entendu dire de Madame Laramée à l’épicerie, que la Lionne, a l’a peur de l’eau. Faque pas de danger qu’a l’aille sur le bateau de l’Arcurvo!
– C’est des niaiseries. Pis à T.V. qui dit qu’a va séparer le bon grain de l’ivraie. Taboire, ça fait pas moderne, son affaire. Ça fait chaire un peu. Ça prouve juste que t’as pas de couleur en politique. Quand c’est fini, tu vas du bord du vent. Parce que si tu y fais face, pis qu’y fait frette, ben tes lèvres y gercent toutes…
– Qu’est-ce tu manges?
– M’a prendre le pain de viande. Avec des frites.
– Au fait, c’est quoi des gaz de chisse?
– Ben, si j’ai bien compris, c’est comme si la Terre avait des flatulences, pis qu’essayaient de mettre ça dans une bouteille après lui avoir enfilé un suppositoire. Le problème, c’est que ça déborde un peu sur les bords.
– J’ai pu faim…

– Solange, Fernand, on mange quoi à midi?
– Ton super pain de viande, ma Fernande!
– Moi, rien, j’ai pu faim…
– O.k.


– Pis, Solange, t’as remarqué à tivi. Un casque dur entre la ministre pis ta lionne. Ça aurait été ben plus drôle de se le mettre sa tête!
– Té niaiseux! Tu sais c'est quoi le nom de l’aumonier pour des gars comme toi? L’abbé Tîse.



19 janv. 2011

Mettons...

— Il l’a pas cru t’sé ben.
— Parce que tu pensais sérieusement qu’il allait le crère?
— Sais pas.
— Mettons que je te dis que tu es un mange-marde.
— Eille!
— J’ai dit mettons. Ben toi, tu vas dire que c’est pas vrai?
— Ben pas autant que toi, mettons…
—Té bouché ou quoi. Je r’commence. Tu es tout seul avec Fernande dans cuisine, pis tu ressors ben scandalisé parce qu’a t’a pincé une fesse…
— J’aimerais ça…
— Niaiseux, mettons que t’es fâché, pis qu’elle a dit que c’est pas vrai. Pour éviter la grosse chicane, elle me demande de régler l'affaire. Pour qui tu penses que je vais décider?
— Ben moé, chu ton chum!
— Non… Pour Fernande.
— Té un écoeurant!
— Peut-être, mais j’ai droit à trois réfill de café gratis par exemple! C’est de même que ça marche. Pis moi, je vais te dire, ben ben convaincu, que je vais lui parler dans le privé pour y dire de pas recommencer.

— Hé les gars, je vous écoute parler depuis tout à l’heure. Moi, j’en ai une pas pire pour vous.
— Vas-y mon Dieudonné!
— Bien ton mangeux de caca, il a attouché sexuellement Fernande il y a 25 ans.
 — Cé un écoeurant!
— Non, j’image, là. Bien ce monsieur là, il est revenu hier au restaurant.
— Tu as appelé la police? Ça prend une tonne de culot pour r’venir chez sa victime. Qu’est-ce qui voulait?
— Demander Fernande en mariage…

16 janv. 2011

Marcelle et Ninon

– Avant de partir, Armand arrêtait pas d’imaginer un paquet d’affaires pas possibles!
La dernière était la plus bizarre. Y se demandait pourquoi y’avait toujours des tites graines dans le tiroir à ustensiles. Y’é mort avant de le trouver.
– Des tites graines?
– Ben oui, plus petites que celles des toasts. Sans c’est sans compter la trappe à bas.
– De kossé?
– Ben Armand disait que les fabricants de chéseuses mettaient une trappe pour que des bas tombent dedans. Parce que je chialais toujours après chaque brassée…
– Ça pas d’allure!
– Assez d’allure pour qu’Armand défasse la chéseuse pour aller voir. Et y’a pas trouvé de bas… Pis je te dis pas comment il était fatiguant au souper. Y laissait tomber sa fourchette les lundis, mercredis et vendredis. Pis les mardis et jeudis, son couteau. Y répétait: Tu vas voir, on va avoir de la visite.
– De kossé?
– Ben une fourchette pour une femme, pis un couteau, pour un homme. Mais j’avais beau y répéter qu’y fallait que ça arrive par hasard, il recommençait tout le temps. Y venait jamais personne.
– C’est pas drôle…
– Bah, inquiète toué pas. R’garde ce que j’ai trouvé dans ses affaires…
– Un gratteux? Qu’est-ce tu vas faire si tu gagnes un bon montant?
– J’vas t’inviter à déjeuner plus souvent!

Cling

«Ah ben joualvert! Mon couteau!»

 

10 janv. 2011

Mosaïque

– Madame? Je peux prendre une photo de votre tasse?
– Méchant moineau! Pourquoi faire? Tu les trouves laites?
– Excusez-moi, je m’appelle François. Photographe amateur. J’ai un projet de mosaïque d’objets courants. Et je vois vos tasses. J’voudrais faire une mosaïque de tasses.
– Tu dis tu où tu les prends? De la pub, ça fait jamais de mal…
– Sans problème! Même que.
– Que quoi? Dépêche, j’ai ben des clients.
– Sur votre babillard, à l’entrée, je vais mettre un mot. Pour que ceux qui le veulent m’envoient une photo de leur «plus belle» tasse.
– J’te r’garde les yeux, mon beau brun. Je le sais ce que tu veux. Des vieilles tasses, hein? Du genre qui auraient faite dans la pub de la Huot qui nous disait qu’à nous faisait bien manger?
– Genre…

Quelques minutes plus tard, François résume sa demande, avec son adresse de courriel.
Et le lendemain, il est venu épingler une de ses photos.
Se rendra-t-il à une douzaine? (ça ferait une belle mosaïque équilibrée, non?)



7 janv. 2011

Gontrand et la poutine


– On va prendre la table près de la vitrine, c’est la meilleure place.
– On ne nous place pas?
– T’es chez Fernande ici, pas au Ritz!
– Tu commandes quoi?
– Ben de la poutine, c’t’affaire. Tu voulais en manger à tout prix.
– Mais nous sommes dans un deli…

– Bonjour Éric! Tu nous amènes de la belle visite?
– Bonjour madame. Je me présente, Gontrand De la Bellefeuille. Vous êtes?
– Fernande pour les intimes.
­– Pis on est pas mal toute tes intimes, hein?
– Maudit fou Éric!

Gontrand prend alors la baguette de la parole.

– Madame Fernande, si je puis me permettre…
– Vas-y mon beau Gontrand!
– Ce n’est pas un deli ici, c’est plutôt un…
– Un arrêt de mort si tu ne commandes pas! Je l’sais. T’es pas le premier Français à me rabâcher la même chose. Quand mon père a acheté icitte, le gros néon dehors était là. Faque y reste là parce que mon argent, je le consacre à autre chose. T’sais, le soir, j’suis pas mal tanné de la friture, faque je mange du rosbif…
– Ça va, je vais prendre cette poutine.
– Une petite, une moyenne ou une grosse, le cousin?
– Avez-vous la version Vladimir?
– Eye Éric, si ton chum veut faire de l’esprit de bottine, va chez Yellow. J’ai pas de temps à perdre.
– Deux moyennes, Fernande…

10 secondes plus tard, tous les clients entendent le métronome du diner: «Deux Pou médium pour la six!»

Près de la vitrine, Éric se penche un peu.

– Gontrand, écoute-moi. Tu gobes Vladimir, pis tu poses pas de question. Surtout que tu vas trouver ça TRÈS bon.
– Mais ce n’est pas un deli…
– Non, c’est chez Fernande.